Les changements qui ont ponctué l’évolution de ces outils visaient soit à améliorer la précision des résultats, soit à accroître la génération de revenus pour leurs propriétaires. C’est la stabilité de cette séquence qui explique l’importance qu’a acquise un acteur comme Google, devenu un pivot essentiel de l’accès à l’information pour des milliards de personnes.Ce que change l’IA générative, c’est la suppression de cet effort de butinage, qui est relégué à un algorithme synthétisant l’information. Un attribut fort séduisant pour les utilisateurs, d’après M. Michelot.On a tous une tendance un peu naturelle à la facilité, à la décomplexification de nos procédés au quotidien. En soi, ce n'est pas dramatique.Une citation de Florent Michelot, professeur en technologies éducatives à l’Université ConcordiaCe qui est plus préoccupant, croit-il, c’est que cette recherche de facilité s’accompagne d’une perte de regard critique.La stratégie [de recherche], si elle se contente exclusivement d’écrire son souci soit dans ChatGPT, soit à même la barre de recherche Google, est assez limitée, explique M. Michelot. On nous produit quelque chose avec lequel on n’a aucune agentivité. On formule une recherche, ça nous fait une synthèse, et on n’a aucun esprit critique face à ça.Une préoccupation que partage Eric Meyers, professeur en sciences de l’information à l’Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver. La présence de frictions, par exemple dans la recherche et la lecture d’articles, nous entraîne à réfléchir, dit-il. Sans cet entraînement, je crains que les usagers perdent leur capacité à avoir un regard critique sur l’information qu’ils consomment, ce qui est essentiel dans une société démocratique.M. Meyers s’en remet à la responsabilité des grandes plateformes comme Google plutôt qu’à la débrouillardise des usagers.On ne fait pas face à un environnement informationnel où les règles sont équitables, où l’information la plus fiable et pertinente va l’emporter dans le marché des idées. Ces plateformes génèrent des revenus, que l’on obtienne de l’information de qualité ou pas.Une citation de Eric Meyers, professeur en sciences de l’information à l’Université de la Colombie-BritanniqueIl faut donc que l’on réglemente ces entités en tant que pourvoyeuses d’information, estime Eric Meyers.Risque d'appauvrissement de la production d’informationSi les internautes peuvent désormais compter sur des modèles d’IA pour pondre des résumés synthétiques, il en résulte logiquement une diminution de la consultation de pages web. Selon la firme Bain & Company, quelque 60 % des recherches sur les moteurs traditionnels comme Google étaient déjà réalisées sans clic sur un hyperlien en décembre dernier.Pour les propriétaires de sites web et les producteurs d’information en ligne, la mort du clic signifie la disparition d’une part significative de leurs revenus publicitaires, qui constituent le socle de l’économie du web depuis les dernières décennies. C’est pourquoi la News/Media Alliance, qui représente plus de 2000 organisations médiatiques aux États-Unis, a accusé Google de vol de contenu et de trafic web après l’annonce de son mode IA. Dans une entrevue accordée au média spécialisé The Verge, le PDG de Google Sundar Pichai a réagi à ces accusations en assurant que le trafic sur les sites web augmentera grâce aux nouvelles fonctionnalités mises en place depuis les derniers mois, tout en restant évasif quant à la façon dont se concrétisera cet engagement.Ouvrir en mode plein écranL'encyclopédie libre Wikipédia a été lancée en janvier 2001.Photo : Getty Images / zmeelÀ plus long terme, c’est aussi la viabilité de communs numériques comme Wikipédia qui est menacée. C’est sûr que quand le trafic ne vient plus, ça a des conséquences pour un projet commun comme Wikipédia, remarque Nathalie Casemajor, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique, basé à Québec.D’un côté, une ressource comme Wikipédia tient à l’implication d’usagers qui constatent des manques à combler dans les articles. De l’autre, Wikipédia dépend de dons, qui peuvent être sollicités lorsqu’un usager consulte directement un article. Si les résultats des modèles d’IA générative s'abreuvent directement de données produites par des auteurs bénévoles, c’est toute la chaîne de production de cette information qui est affectée.Quand l’information est digérée et agrégée dans un format qui répond à la question de l’internaute, on perd ce lien plus organique avec le travail de production du contenu.Une citation de Nathalie Casemajor, professeure à l’Institut national de la recherche scientifiqueParallèlement, Wikipédia est pour les moteurs de recherche une source gratuite d’information qui contribue à la qualité de leur produit, ajoute-t-elle.À tous les niveaux, on observe donc l’amoindrissement, voire la disparition des incitatifs à produire de l’information de qualité en ligne.Si des ententes de licence comme celle qu’a conclue le New York Times avec Amazon le mois dernier peuvent compenser partiellement la perte de revenus publicitaires, ces occasions ne sont offertes qu’aux plus gros acteurs de l’information.À lire aussi :ChatGPT, le journal de demain?Désinformation électorale : impact limité de l’IA générative au CanadaAUDIO - IA et liberté de presse: entre espoir et inquiétudeReplacer l’internaute au cœur de la productionMalgré ces risques pour la vitalité informationnelle du web, les experts s’entendent sur le potentiel des sphères de partage et de collaboration en ligne pour contrecarrer cette tendance. Il faut promouvoir le fait que, dans les environnements numériques, on peut contribuer – même de façon très modeste – et pas seulement consommer de l’information, pense Florent Michelot. C’est la porte d’entrée vers une section du web qui est respectueuse de la citoyenneté, de l’individualité et de la vie privée des internautes.Nathalie Casemajor, qui observe la communauté des contributeurs de Wikipédia depuis plusieurs années, mentionne également les retombées positives de cette implication. Contribuer à un projet comme Wikipédia, ça a un aspect ''aspirationnel'', dit-elle. On a le sentiment de contribuer à quelque chose qui nous dépasse. Il y a aussi tout un aspect d’apprentissage qui est présent.Et selon Eric Meyers, on trouve encore cet attrait du partage entre utilisateurs sur des réseaux sociaux comme Reddit et Facebook, signe que l’automatisation du web n’est pas chose faite. On voit qu’il y a encore des questions pour lesquelles les internautes veulent mobiliser la sagesse de vraies personnes afin de prendre de bonnes décisions, particulièrement quand ce sont des décisions importantes.M. Meyers lance toutefois une mise en garde quant à la capacité des internautes de déterminer la source originale des informations qui circulent en ligne. Le danger à surveiller, c’est le brouillage des sources, dit-il. Il devient de plus en plus difficile de savoir d’où provient une information, et donc d’évaluer sa fiabilité.SuivreChargement en coursChargement en coursVous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (nouvelle fenêtre)Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (nouvelle fenêtre)Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (nouvelle fenêtre)Publicité, Recherche avancée: Google disponible en : English Publicité À propos de Google Google.com, Centre d'aide officiel de Recherche Google où vous trouverez des informations et des conseils utilses sur la recherche Web. Vous pourrez en savoir plus sur la suppression de contenu de nos.